Le secteur de l’énergie en Espagne est en pleine ébullition, comme nous l’avions déjà vu à travers le cas d’Iberdrola. Une forte croissance du marché intérieur pousse les principaux acteurs à rechercher des synergies et à fusionner. Cependant, le marché espagnol attire également les convoitises d’investisseurs étrangers. Durant cette année, le géant allemand E.on et le gazier espagnol Gas Natural ont ainsi tenté, sans succès, de racheter l’électricien Endesa, qui est finalement en passe de conclure un accord avec l’italien Enel. Le français Suez est également présent en Espagne à travers diverses entités, telles que Electrabel et Distrigaz, mais aussi grâce à sa holding Hisusa.
Hisusa est détenue à 51% par Suez et à 49% par la Caixa, et possède 5% du capital de Gas Natural, derrière la Caixa (33%) et Repsol, un pétrolier espagnol (30%). Or Suez a décidé, le 15 mai, de porter sa participation directe dans Gas Natural à 6% dans une opération d’environ 1 milliard d’euros, ce qui, après un rachat supplémentaire de 1,35%, porte sa participation totale à 11,3% : de quoi faire circuler les rumeurs !
Synergies ou frustration ?
Le message officiel de Suez est que l’investissement en Espagne rentre dans sa logique d’expansion européenne sur les marchés dynamiques. Gas Natural est d’ailleurs déjà l’un des fournisseurs de Suez en Espagne, et les deux entreprises travaillent ensemble dans l’exploitation du gaz naturel liquéfié. De plus, les deux entreprises ont un même fournisseur, l’algérien Sonatrach, et un rapprochement permettrait d’accroître leur pouvoir de négociation. L’opération serait en outre tout à fait compatible avec le projet de fusion GDF.
Pour certains, Suez se serait rendu à l’évidence que son projet de fusion avec Gaz de France n’aboutirait pas, en raison notamment de l’apparente réticence du nouveau Président de la République à faire avancer le dossier. L’électricien franco-belge se serait alors « rabattu » sur une autre cible : Gas Natural. L’idée serait de lancer un message clair au gouvernement français, pour montrer que Suez n’a pas une patience infinie et s’apprête à investir ailleurs.
Synergies ou opération défensive ?
De plus, il pourrait s’agir d’une opération défensive : en effet des rumeurs circulent, selon lesquelles Repsol voudrait lancer une OPA sur Gas Natural, malgré des synergies douteuses entre gaz et pétrole. Suez aurait donc augmenté sa participation dans Gas Natural pour détenir, avec son allié Caixa, 46% du capital, contre 30% pour Repsol, ce qui calmerait les ambitions du pétrolier. L'alliance avec la Caixa est importante pour la position de Suez en Espagne, en effet les deux groupes partagent la holding Hisusa et détiennent ensemble Aguas de Barcelona. Pour compliquer les choses, la Caixa détient une part minoritaire dans Repsol.
Qui sait, peut-être le groupe de Gérard Mestrallet craint lui-même de devenir une cible d’OPA ? Selon des analystes financiers, Suez, avec 65 milliards d’euros de valeur d’entreprise, serait « OPable » par des géants tels que E.on ou RWE, qui s’allieraient avec d’autres groupes intéressés par le secteur de l’environnement, par exemple.
Sources:
Suez se renforce dans Gas Natural, pas de remise en cause du projet GDF, Romandie News, 15 mai 2007
Suez monte dans Gas Natural mais dit tenir au projet GDF, Le Point, 15 mai 2007
Gas Natural: un plan B pour Suez? L'Usine Nouvelle, 15 mai 2007
Suez in Spain, Financial Times, 15 mai 2007